Le commanditaire de cette étude est le Fonds 304 qui est un Fonds de Sécurité d’Existence à destination des employeurs francophones du secteur des arts du spectacle et de leurs travailleur·euse·s.
D’après le site internet du Fonds, « L’appellation ‘arts du spectacle’, ou ‘arts de la scène’, renvoie à une multitude de disciplines du spectacle vivant: le théâtre sous toutes ses formes, la danse, le cirque, les musiques anciennes ou actuelles, le conte, les arts de la rue… toute forme de création, mêlant éventuellement plusieurs de ces disciplines ou d’autres encore, et qui se donne à voir à un public, qu’il soit jeune, adulte ou mixte. »
Dans ce rapport, nous utiliserons la dénomination « secteur 304 » (et parfois simplement « 304 » sur certains graphiques) pour désigner le périmètre de l’étude, à savoir le secteur francophone des arts de la scène couvert par le Fonds 304.
Les résultats présentés dans ce rapport s’appuient sur l’analyse des bases de données de 4 trimestres des années 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020 et 2021.
Les unités statistiques disponibles sont:
- Les travailleur·euse·s occupé·e·s au dernier jour du trimestre (Trav. Occ.)
- Les travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre (Trav. Occ. Trim.)
- Le volume ETP durant le trimestre (Equivalent Temps Plein)
Les deux premières unités statistiques permettent une estimation du nombre de personnes physiques, la première au dernier jour du trimestre, la deuxième tout au long du trimestre. Elles reposent sur l’élimination des doubles comptages en cas de prestations multiples simultanées ou consécutives de la part d’un·e travailleur·euse. « Lorsqu’un·e travailleur·euse exécute plusieurs contrats de travail simultanés en fin de trimestre, il·elle ne sera comptabilisé·e qu’une fois et les caractéristiques, liées à l’employeur et à la prestation, qui lui seront attribuées seront celles de la prestation principale. Dans le cas de plusieurs contrats de travail simultanés, on prendra comme prestation principale celle qui (critères en ordre décroissant de priorité):
- correspondra à une occupation à temps plein;
- représentera le salaire brut le plus élevé;
- générera le volume de travail (voir ci-dessous) le plus important;
- contiendra le plus grand nombre de journées assimilées. » (ONSS, 2017: 10).
Si la définition ci-dessus concerne uniquement la statistique du nombre de travailleur·euse·s au dernier jour du trimestre, l’ONSS nous confirme que la statistique des travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre se base également sur l’élimination des doubles comptages et permet tout autant de se rapprocher le plus possible de la « personne physique », ce qui nous permet donc de parler en termes de « nombre de travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre ».
Toutefois, si la procédure d’élimination des doubles comptages présentée ci-dessus semble pertinente pour la statistique des travailleur·euse·s occupé·e·s au dernier jour du trimestre pour les secteurs plus « classiques » dans lesquels la proportion de travailleur·euse·s occupant 2 ou plusieurs contrats simultanément reste relativement faible, elle paraît beaucoup moins adéquate pour un secteur dans lequel ces multiples prestations simultanées, mais aussi consécutives (l’une à la suite de l’autre), durant un trimestre, sont beaucoup plus fréquentes, voire la norme. Nous nous demandons si la sélection de la « prestation principale » ne revient pas à passer à côté des caractéristiques d’une partie importante du volume d’emploi dans ce secteur, et à surestimer certaines caractéristiques de l’emploi au détriment d’autres? Ce à quoi l’ONSS nous a répondu qu’effectivement, les statistiques du nombre de travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre entraînent le risque de perdre certaines prestations. L’ONSS nous a déclaré être en train de mettre au point une autre méthodologie pour approcher de manière plus adéquate le travail intermittent.
Le volume ETP, quant à lui, « se base sur toutes les périodes de travail rémunérées déclarées pour l’ensemble du trimestre » (ONSS, 2017: 11). « Les périodes de travail rémunérées d’un·e travailleur·euse ayant été occupé·e au cours du trimestre chez plusieurs employeurs, sous plusieurs statuts et/ou sous différents régimes de travail, sont donc toutes prises en considération, en fonction des caractéristiques propres à chacune d’elles. » (ONSS, 2017: 11). Contrairement à la statistique des travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre, le volume ETP reprend toutes les prestations, mais on n’a plus de vue sur le nombre de personnes qui les ont effectuées.
L’intermittence serait inhérente aux métiers artistiques, et plus largement aux secteurs des arts du spectacle. Il ne s’agit pas là d’un phénomène nouveau. Ainsi, voici comment parlait déjà l’UNESCO en 1980 de la spécificité des artistes : « caractérisée par l’intermittence de l’emploi et des variations brusques de revenus de beaucoup d’artistes » (cité par Levaux & Lowies, 2015: 13).
Il en résulte des variations en dents de scie de l’emploi à chaque trimestre d’une même année. Cela a des implications méthodologiques importantes car, de ce fait, le dernier trimestre ne reflète pas fidèlement la réalité de l’emploi sur l’année considérée. Il a donc été décidé de calculer une moyenne des 4 trimestres pour chaque année étudiée. Les graphiques qui suivent représentent cette variation de l’emploi à chaque trimestre.
Une autre conséquence importante de cette intermittence se mesure au niveau de l’occupation moyenne des travailleur·euse·s qui s’avère particulièrement faible dans le secteur (autour de 0,35 ETP sur l’année 2021). Il s’agit de garder cela à l’esprit, particulièrement lorsque nous étudierons le temps de travail et la rémunération. Les informations qui en ressortiront permettront de mesurer certaines tendances uniquement quand les travailleur·euse·s sont en emploi dans le secteur, sans connaître la situation de ces travailleur·euse·s en dehors (Autre emploi? Chômage?). Ainsi, à partir du constat de la prépondérance du régime de temps de travail à temps plein, il s’agira de bien garder à l’esprit que cette réalité ne s’applique que sur les journées prestées, à savoir en moyenne un tiers des journées qui devraient être prestées sur un volume de travail complet d’1 ETP.
68,3% des travailleur·euse·s occupé·e·s durant l’année 2021 étaient employé·e·s par un seul employeur! Cet employeur présente des caractéristiques spécifiques, et se distingue sur toute une série de critères par rapport au reste des employeurs. A lui seul, ils influence très fortement les tendances et les réalités du secteur que nous pouvons constater:
- Une fluctuation plus forte de l’emploi à chaque trimestre;
- Une augmentation beaucoup plus forte de l’emploi, surtout non-artistique;
- Un recours plus important à l’emploi intermittent (intérimaire);
- Une occupation moyenne par travailleur·euse plus faible, particulièrement des non-artistes. En effet, c’est surtout chez les gros employeurs que l’occupation moyenne par travailleur·euse non-artiste est faible (autour de 0,33 ETP) et tire donc vers le bas l’occupation moyenne des non-artistes dans l’ensemble du secteur, étant donné le contingent important occupé chez cet employeur. Sans lui, l’occupation moyenne des travailleur·euse·s non-artistes se situe autour de 0,66 ETP environ, ce qui correspond davantage aux tendances observées dans les autres secteurs APEF;
- Une rémunération plus faible;
- Une pyramide des âges plus jeune.
La réalité du secteur: les fluctuations de l’emploi au cours d’une année (liens avec la saisonnalité et l’intermittence de l’activité)
Comme le constatait déjà Jean-Gilles Lowies en 2015, « la courbe de l’emploi artistique montre de forts écarts trimestriels, soulignant le phénomène d’intermittence du travail artistique » (2015: 29). En réalité, ces écarts s’observent aussi pour l’emploi non-artistique, comme on le voit dans les graphiques suivants.
Si on se concentre uniquement sur les artistes (ou les prestations en tant qu’artiste), on constate des variations similaires, particulièrement au niveau de la statistique des travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre. Cela s’explique par la saisonnalité des sorties des créations. Si on analyse la courbe orange, on constate, pour les travailleur·euse·s occupé·e·s au dernier jour du trimestre, une forte chute au 31 décembre. Cette réalité est influencée par les deux plus grosses structures du secteur (cf. graphique suivant).
Voici un graphique qui démontre que les fortes fluctuations de l’emploi observées dans le secteur au 31/12 de chaque année est surtout le fait des structures de 200 travailleur·euse·s et plus.
Si on étudie la statistique des travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre, on constate que les 2 structures de 200+ présentent des fluctuations à chaque trimestre, avec les creux aux premier et troisième trimestres. Alors que pour les structures de moins de 200 travailleur·euse·s, c’est assez stable tout au long de l’année, sauf une chute systématique au 3ème trimestre.
On observe également une tendance à l’augmentation de l’emploi artiste dans les structures de moins de 200 travailleur·euse·s, et une diminution dans les deux grosses structures. En réalité, cette diminution est le fait d’un seul employeur. Si on isole le seul employeur de plus de 500 travailleur·euse·s, à savoir Smart, on constate que c’est le seul concerné par la diminution du nombre de prestations artistiques. Tout le reste du secteur voit plutôt une augmentation de l’emploi artiste.
En effet, dans tout le secteur, excepté Smart, il y avait 1364,8 artistes en 2015 et 1653,5 en 2021, soit une augmentation de 21,2%. Chez Smart, on passe de 4200,5 artistes à 3235,5, soit une diminution de 23%.
Cette distinction s’observe également au niveau de la proportion d’artistes: on passe de 42,1% à 48,5% d’artistes dans tout le secteur excepté Smart, alors qu’on passe de 62% à 44% chez Smart.
Même si c’est moins régulier que chez les artistes, on observe également ces variations en « dents de scie » chez les non-artistes (fonctions intellectuelles, manuelles et CS pour l’emploi contractuel subventionné), avec toutefois une tendance à l’augmentation plus marquée (ce qui explique d’ailleurs en partie que la proportion d’artistes diminue d’année en année dans le secteur). Les technicien·ne·s, régisseur·euse·s, travailleur·euse·s chargé·e·s de la diffusion, de la production des spectacles, sont engagé·e·s comme employé·e·s mais sont en phase avec la rythmicité de l’activité artistique. Ces prestations enregistrées dans les catégories « non-artistiques » sont tributaires de l’activité globale et des projets, et donc tout autant touchées par l’intermittence. On verra plus loin que c’est surtout le cas dans les grosses structures de plus de 200 travailleur·euse·s, et plus exactement chez Smart.
La fluctuation importante observée chez les non-artistes au 31 décembre (courbe orange) au graphique précédent est en réalité impactée par les deux grosses structures de plus de 200 travailleur·euse·s (qui, pour rappel, emploient plus de 70% des travailleur·euse·s du secteur). Si on s’intéresse aux structures de moins de 200 (courbe bleue), on constate une plus grande stabilité.
L’augmentation importante du nombre de travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre pour des prestations non-artistiques, qu’on observe dans le graphique "Travailleur·euse·s (non-artistes) occupé·e·s à la fin du trimestre, durant le trimestre et ETP" supra, est un effet de ce qui se passe dans les deux plus grosses structures (ici, la courbe orange), et plus précisément chez Smart, qui marque effectivement une augmentation rapide. Si on observe la situation dans le reste du secteur (courbe bleue), on constate que le nombre de travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre pour des prestations non-artistiques stagne.
Plus étonnant: la variation en dents de scie concerne aussi le nombre d’employeurs. Ceci est plus difficile à interpréter. Cela peut sans doute se comprendre par le fait que certaines compagnies ne sont rémunérées qu’au moment des sorties de certains spectacles et ne jouent qu’à certaines périodes de l’année. Ces compagnies ne sont répertoriées comme « employeur » qu’à certains moments de l’année. Corrélativement, on constate que c’est au 3ème trimestre qu’il y a une chute du nombre d’employeurs, sauf en 2020 et début 2021 marquées par la crise sanitaire. Une interprétation pourrait être que certaines compagnies, dont les prestations se font principalement dans les centres culturels, suivent les périodes de fermeture annuelle en juillet-août. Cela correspond au creux observé également au 3ème trimestre chez les employeurs de moins de 200 travailleur·euse·s sur la courbe du nombre de travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre pour des prestations artistiques (cf. graphique supra Fluctuation de l'emploi artiste (travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre) / comparaison selon la taille de la structure).
Conclusion méthodologique: La statistique des travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre, plus pertinente pour étudier un secteur caractérisé par la fragmentation de l’emploi
Le secteur est caractérisé par la fragmentation de l’emploi, c’est-à-dire qu’une proportion importante des contrats de salarié·e·s sont à durée déterminée, et le plus souvent de très courte durée, notamment les contrats à la tâche, particulièrement pour les professions artistiques et pour les professions technico-artistiques (Lowies, 2015: 37). Cela a une importante implication méthodologique: comme on l’a vu dans les graphiques précédents, considérer l’emploi uniquement à partir de la statistique du nombre de travailleur·euse·s au dernier jour du trimestre revient à sous-estimer fortement le volume d’emploi réel. Au dernier jour du 4ème trimestre 2021 (graphique supra "Travailleur·euse·s occupé·e·s à la fin du trimestre, durant le trimestre et ETP"), par exemple, on retrouve seulement 2.942 travailleur·euse·s occupé·e·s. Si on utilise la statistique des travailleur.euse.s occupé.e.s durant le trimestre, qui comprend donc également les travailleur·euse·s qui ont été occupé·e·s à un moment du trimestre et qui ne le sont plus au 31/12, on obtient 11.640 travailleur·euse·s occupé·e·s, ce qui est presque 4 fois plus qu’au dernier jour du trimestre. C’est pourquoi toutes les analyses de ce rapport utilisent le nombre de travailleur·euse·s occupé·e·s sur le trimestre, même s’il·elle·s ne sont plus en emploi au dernier jour de celui-ci.
NB: pour l’APEF dans son ensemble, ou pour l’emploi salarié en Belgique, nous n’avons pas procédé à la même méthodologie. Cela apparaît moins utile car le nombre de travailleur·euse·s au 31/12 est souvent proche du nombre de travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre. Il faut donc garder cela à l’esprit lorsque nous procéderons à des comparaisons avec l’emploi APEF ou l’emploi global en Belgique.
Evolution de l’emploi 2009 – 2021 (uniquement le dernier trimestre)
Au niveau des travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre (courbe grise), la population a presque été multipliée par 4 entre 2009 et 2021. Remarquons une stagnation depuis 2015. Alors que l’ETP continue à augmenter. La croissance totale entre 2009 et 2021 de l’ETP est moindre: 243%. Cela attesterait de l’accentuation de la fragmentation de l’emploi (0,61 ETP/travailleur·euse occupé·e en moyenne au dernier trimestre 2009, contre 0,39 au dernier trimestre 2021).
Ces données sont-elles des indicateurs de précarisation de l’emploi dans le secteur, et particulièrement de l’emploi en tant qu’artiste? Ce qu’on peut dire, c’est que le temps moyen consacré aux activités artistiques, ou sous le statut d’artiste, diminue. On peut toutefois espérer que les travailleur·euse·s concerné·e·s par ces prestations en tant qu’artiste ont d’autres activités rémunératrices sur le côté, peut-être en tant qu’employé·e·s. Toutefois, selon les acteur·rice·s qui représentent le secteur, l’impression que de plus en plus d’artistes dépendent du chômage se renforce.
Evolution du volume ETP et du nombre de travailleur·euse·s durant le trimestre (moyenne des 4 trimestres pour chaque année)
Notons une augmentation constante du nombre de travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre, ainsi que du volume d’emploi ETP. Pour ce qui est des travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre, la croissance a été particulièrement élevée en 2016 pour s’atténuer ensuite. Le volume ETP a, quant à lui, poursuivi une augmentation constante jusqu'en 2018 et s'est ensuite tassée.
L'année 2020est marquée par une chute importante tant du volume ETP que du nombre de travailleur·euse·s, en raison de la crise sanitaire. La reprise en 2021 n'atteint pas les niveaux de 2019.
Remarquons que, si la tendance globale depuis 2009 est celle d’une diminution de l’occupation moyenne par travailleur·euse occupé·e, exprimée en ETP, on assiste à une légère reprise depuis 2015.
Evolution de l’occupation moyenne par travailleur·euse (Trav. Occ. Trim.)
Evolution du taux de croissance annuel du nombre de travailleur·euse·s et du volume ETP
Evolution du nombre d’employeurs: Comparaison avec APEF et la Belgique
On constate une augmentation plus rapide du nombre d’employeurs du secteur 304 (et du nombre d’établissements) en regard de la situation pour l’APEF et pour la Belgique. On peut faire l’hypothèse que cette augmentation importante est le résultat de l’augmentation des soutiens au secteur, notamment l’augmentation des budgets de la Communauté française.
La reprise en 2021 après la légère chute due à la crise sanitaire est remarquable.
Comparaison avec l’APEF et l’emploi salarié en Belgique
On le voit, le secteur 304 se distingue par une croissance beaucoup plus forte de l’emploi que dans les autres secteurs APEF et qu’en Belgique. Pour information, si on remonte davantage dans le temps, l’emploi APEF marque une croissance beaucoup plus forte que l’emploi global en Belgique entre 2010 et 2015. On assiste depuis 2015 à une croissance plus importante de l’emploi en Belgique.
Cela permet d’établir que l’emploi relevant du secteur 304 occupe une part de plus en plus importante dans l’emploi salarié global. Attention toutefois: cette forte augmentation, comme on le verra sur le graphique infra "Evolution de la proportion des travailleur·euse·s: comparaison artiste / non-artiste", est surtout le fait du volume d’emploi lié à des prestations non-artistiques (qui est passé de 59,6% du volume total d’emploi dans le secteur en 2015 à 66,6% en 2021). L’augmentation des prestations non-artistiques se traduit également par une augmentation de travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre, qui sont passées de 44,4% à 54,6% des travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre entre 2015 et 2021.
Notons également que le volume de travail pour des prestations non-artistiques a mieux résisté à la crise sanitaire que le volume de travail lié à des prestations artistiques qui a très fortement chuté et qui, en 2021, n’a pas retrouvé son niveau de 2015.
Une variable qui intervient souvent dans l’interprétation des tendances: les catégories de travailleur·euse·s
Le secteur est constitué de travailleur·euse·s dont les prestations peuvent se faire selon différents statuts. Il faut notamment distinguer les prestations artistiques, d’un côté, des autres prestations, qu’on qualifiera de non-artistiques, faute de mieux. Dans la plupart des analyses concernant les caractéristiques des travailleur·euse·s, on remarque que cette distinction intervient parfois comme variable de confusion. Les artistes :
- présentent une surreprésentation d’hommes,
- présentent une surreprésentation de travail à temps plein,
- sont en moyenne plus âgé·e·s que les autres,
- ont une occupation moyenne par travailleur·euse exprimée en volume ETP plus faible,
- sont sous-représenté·e·s au dernier jour du trimestre et au volume ETP.
Distribution des travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre selon le code travailleur·euse·s (ONSS – 2021)
Avec la variable du code travailleur·euse·s, fournie dans les BDD de l’ONSS, on peut avoir différentes informations concernant le statut sous lequel les prestations professionnelles sont effectuées. On apprend qu’il y a de l’emploi subventionné (ACS) et de l’emploi non-subventionné.
Ensuite, on peut grossièrement distinguer 3 catégories de statuts: intellectuel, manuel et artiste. Les deux catégories les plus importantes sont celles d’ « artiste » et celle de travailleur·euse « intellectuel·le ».
Ce qui nous intéresse, pour les analyses qui suivent, c’est surtout de pouvoir distinguer les prestations artistiques du reste. C’est pourquoi, dans la suite du rapport, nous n’utiliserons plus que deux catégories: « artiste » et « non-artiste ». Ce repérage des deux catégories se réalise à partir de la variable du code travailleur·euse·s, présentée ici.
Evolution de la proportion des travailleur·euse·s: comparaison artiste / non-artiste (ONSS – Trav. Occ. Trim.)
L’augmentation du nombre de travailleur·euse·s d’année en année n’est pas le fait des artistes mais des autres catégories de travailleur·euse·s qui passent de 44,4% à 54,6% des travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre en 7 années à peine.
Le volume d’emploi artiste a pourtant légèrement augmenté, mais dans une proportion bien moindre que le volume d’emploi non-artiste. La part du volume ETP artiste a donc diminué également, passant de 40,4% du volume ETP total en 2015 à 33,4% en 2021.
En réalité, c'est Smart qui est responsable de cette augmentation importante des prestations non-artistiques. En effet, de 2015 à 2021, la structure de plus de 200 travailleur·euse·s (Smart) a vu son nombre de travailleur·euse·s non-artistes passer de 2578,5 à 4116,5 alors que le nombre d’artistes a diminué (de 4200,5 à 3235,5). Le volume ETP des non-artistes, quant à lui, est passé, chez Smart, de 643,6 à 1339,7! En à peine 7 ans, la proportion de travailleur·euse·s non-artistes occupé·e·s durant le trimestre chez Smart passe de 38% à 56%. Smart est concernée par une importante diversification des prestations, dans le cadre d’une stratégie de développement, qui conduit à multiplier les prestations non-artistiques.
Si on considère le reste du secteur en excluant Smart de l’analyse, nous assistons au contraire à une augmentation du volume de l’emploi artiste. En effet, dans tout le secteur, excepté Smart, il y avait 1364,8 artistes en 2015 et 1653,5 en 2021, soit une augmentation de 21,2%. Cela s’observe également au niveau de la proportion d’artistes: on passe de 42,1% à 48,5% d’artistes dans tout le secteur en dehors de Smart.
La diminution de la part de l’emploi artistique déjà amorcée en 2008, selon Lowies (2015), se poursuit clairement sur les sept années étudiées. Toutefois, si on retire de l’analyse le plus gros employeur, à savoir Smart, on constate que la part de l’emploi artistique a plutôt tendance à augmenter.
Notons que le 2ème trimestre 2020, qui correspond au début de la crise covid, impacte principalement les artistes qui voient leur part fortement diminuer, laissant la part de non-artistes s’envoler à près de 60%. Par la suite, on observe un maintien des proportions, voire une légère reprise de la part d’artistes.
On observe les mêmes tendances pour l’évolution de la part de volume ETP selon la catégorie de travailleur·euse·s. Cela veut dire qu’au dernier trimestre 2021, les artistes constituent 45,4% des travailleur·euse·s et se partagent 34,9% du volume d’emploi, alors que l’autre moitié des travailleur·euse·s se partagent les 65,1% restants du volume ETP. Si on exclut Smart de l'analyse, on observe que la proportion de volume d’emploi artistique, au départ plus faible, se stabilise dans le temps, voire augmente légèrement.
Plus de 80% d’employeurs de très petite taille
Plus de 80% des employeurs du secteur sont classés dans la catégorie des structures de moins de 5 travailleur·euse·s. Pour comprendre cela, il faut faire un détour par la méthodologie de l’ONSS pour mesurer la taille de l’employeur. Celle-ci est calculée par l’ONSS à partir du nombre total des postes de travail occupés par l’employeur au dernier jour du trimestre. Il ne faut donc pas tenir compte des engagements d’intermittent·e·s en cours de trimestre pour situer la taille des employeurs. Cela veut dire qu’il se peut tout à fait qu’un employeur catégorisé parmi les « moins de 5 travailleur·euse·s » occupe ponctuellement, à certains moments du trimestre, selon les projets développés, beaucoup plus de travailleur·euse·s!
Il y a donc une remarque méthodologique importante à prendre en compte dans l’interprétation des résultats: la qualité d'un indicateur "taille" d'un employeur dépend fortement de la mobilité de son personnel. Pour un employeur « stable », évaluer sa taille à partir du nombre de travailleur·euse·s au dernier jour du trimestre est fiable. Par contre, pour un employeur « variable », ce qui correspond à ce qu’on observe dans le secteur 304, le comptage à la fin du trimestre est très aléatoire. Mais comptabiliser l’ensemble des travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre reviendrait à surestimer sa taille.
Notons que les informations utilisées par le fonds 304 s’appuient sur cette deuxième méthodologie. A partir de celle-ci, on retrouve un plus grand nombre de « gros » employeurs que ce qu’on observe ici.
Distribution des employeurs selon leur taille (Secteur 304) (2021)
La majorité des travailleur·euse·s chez quelques gros employeurs
68,3% des travailleur·euse·s occupé·e·s durant l’année 2021 sont employé·e·s par seulement un employeur! Cet employeur ses caractéristiques propres et, de par la proportion très importante de travailleur·euse·s du secteur qu’ils emploient, influence fortement les tendances pour l’ensemble du secteur. Il faut en tenir compte dans l’interprétation de l’ensemble des tendances observées.
Nous devons faire ici un rappel méthodologique important: la taille des employeurs est définie à partir du nombre de travailleur·euse·s au dernier jour du trimestre. Or, au niveau de la comptabilisation des travailleur·euse·s, nous utilisons ici le nombre de travailleur·euse·s occupé·e·s tout au long du trimestre. Cela explique qu’on retrouve ici un trop grand nombre de travailleur·euse·s dans certaines catégories de taille.
Distribution des travailleur·euse·s selon la taille de l’employeur (2021)
Augmentation rapide du nombre de travailleur·euse·s et du volume ETP chez les gros employeurs
A la lumière de ces graphiques, on constate que l’augmentation du volume d’emploi et du nombre de travailleur·euse·s occupé·e·s s’observe surtout chez les gros employeurs, dans les deux structures de 200 travailleur·euse·s et plus. Notons que ces grosses structures présentent également le volume ETP moyen par travailleur·euse le plus bas (à peine 0,3 ETP en 2021) même s’il est en nette augmentation depuis 2015 (où il était de 0,26 ETP). En 2020, malgré la crise sanitaire, les structures de moins de 50 travailleur·euse·s n’ont pas connu une chute aussi importante du nombre de travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre que les plus grosses structures, par contre le volume ETP a fortement diminué durant cette période. L’impact de la crise sanitaire s’est davantage traduit, dans les structures de moins de 50 travailleur·euse·s, par une diminution du volume ETP moyen par travailleur·euse que par une diminution du nombre de travailleur·euse·s durant le trimestre.
Le temps plein moins fréquent dans les petites structures
Si on retrouve un peu plus de temps partiel dans les petites structures (majoritaires dans le secteur), c’est parce qu’elles engagent souvent du personnel administratif à temps partiel, contrairement aux plus grosses structures qui pourront s’offrir un·e administratif·ve à temps plein. Cela se vérifie quand on ne s’intéresse qu’aux travailleur·euse·s « non-artistes »
Toutefois, les grosses structures se caractérisent par une occupation moyenne par travailleur·euse significativement plus faible que les autres. Ce sont les travailleur·euse·s des catégories non-artistes qui voient leur occupation moyenne diminuer fortement dans les grosses structures. On tourne autour de 0,65 ETP dans les structures de moins de 200, pour tomber à 0,34 ETP dans les structures de 200 et plus. S’ils·elles ne sont pas à temps partiel, ils·elles sont tout autant concerné·e·s par l’intermittence de leur activité que les artistes, alors que c’est moins le cas dans les petites structures.
% de temps partiel pour les prestations non-artistiques selon la taille de l’employeur (2021)
Occupation moyenne par travailleur·euse non-artiste exprimée en volume ETP selon la taille de l’employeur
Le salaire diminue avec la taille de l’employeur
La tendance globale qu’on peut observer est celle d’une diminution du salaire journalier avec l’augmentation de la taille de l’employeur. Il y a toutefois une rupture dans cette tendance, au niveau des structures situées entre 50 et 199 postes de travail, et pour lesquelles on constate des salaires beaucoup plus élevés. Dans cette tranche, on ne trouve que quelques employeurs. Il suffit donc qu’un employeur soit un peu « atypique » en regard du reste du secteur pour influencer largement les tendances statistiques.
Il est important ici de nuancer les tendances observées en rappelant l’intermittence de l’emploi et la faible occupation moyenne par travailleur·euse. La mesure du salaire s’effectue uniquement au niveau des journées prestées. Il faut pouvoir mettre en perspective le salaire gagné par un·e travailleur·euse et son occupation sur le trimestre.
Comparaison avec les autres secteurs APEF
On constate que le secteur 304 se distingue par la proportion la plus élevée d’employeurs de petite taille (moins de 10 travailleur·euse·s). Rappelons toutefois que la taille de l’employeur est calculée à partir du nombre de travailleur·euse·s au dernier jour du trimestre. Dans la réalité du secteur 304, caractérisé par l’intermittence de l’emploi, il se peut tout à fait qu’une importante proportion des employeurs de petite taille occupe ponctuellement, à certains moments de l’année, selon les projets, un nombre beaucoup plus important de travailleur·euse·s que ce que leur catégorie de taille laisse penser.
La pyramide des âges dans le secteur 304
Il s’agit d’une population relativement jeune, avec une proportion beaucoup plus faible que la moyenne de travailleur·euse·s occupé·e·s de 45 ans et plus. Alors qu’ils·elles sont à peine 31% en 2021, ils·elles constituent près de 43% dans le reste des secteurs APEF. Ce sont les catégories d’âge intermédiaire (entre 26 et 44 ans) qui occupent la part la plus importante de l’emploi.
Attention, la faible part des 45+ est sans doute le symptôme du difficile maintien à l’emploi dans le secteur, particulièrement pour les artistes. La faible proportion des 45+ concerne toutefois aussi les autres catégories de travailleur·euse·s.
Le niveau de qualification dans le secteur est élevé. Les jeunes travailleur·euse·s rentrent donc plus tard sur le marché du travail. C’est particulièrement le cas pour les artistes parmi lesquel·le·s on trouve 4,3% de moins de 26 ans. On observe une chute importante de la proportion, mais aussi des effectifs de moins de 26 ans, en 2020, qui se confirme en 2021.
Il n’y a donc pas une surreprésentation des jeunes dans l’artistique, mais plutôt une surreprésentation des « milieux de carrière », entre 35 et 45 ans. Chez les autres, ce sont les catégories les plus jeunes qui sont surreprésentées. Le personnel « non-artiste » a une moyenne d’âge de 39,56 ans, alors que les artistes ont une moyenne d’âge de 40,09 ans.
Répartition de l’âge : comparaison artistes / non-artistes (2021 - durant trimestre 4)
La pyramide des âges selon la taille de l’employeur
A mesure que la taille de l’employeur augmente, on assiste à un rajeunissement de la population. La proportion des plus âgé·e·s diminue et celle des plus jeunes augmente. On note toutefois une rupture dans cette tendance pour les structures d’une taille située entre 50 et 199.
Age médian et âge moyen selon la taille de l’employeur (2021)
Le temps plein globalement très présent, quel que soit l’âge
La plus forte proportion du temps partiel parmi les moins de 26 ans s’explique par le fait qu’il s’agit en partie de jeunes qui travaillent en parallèle à leurs études et pour qui les enjeux liés au maintien du statut d’artiste ou du droit au chômage ne se posent pas.
On l’a déjà dit, le temps de travail n’est pas un indicateur des plus pertinents dans le secteur qui nous occupe. Il faut également étudier l’occupation moyenne par travailleur·euse, exprimée en volume ETP. Si on analyse la distribution du volume ETP selon les catégories d’âge, on constate une surreprésentation des plus âgé·e·s. A l’inverse, on retrouve une surreprésentation des moins de 26 ans dans les statistiques des travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre.
Le salaire augmente avec l’âge
Que ce soit au niveau des tranches de rémunération que de l’estimation du salaire médian, on voit que le salaire augmente avec l’âge, à l’exception de la tranche 45-54 ans. On peut faire l’hypothèse, en lien avec le constat d’un difficile maintien à l’emploi des travailleur·euse·s dans ce secteur (Lowies, 2015: 32), qu’un certain nombre de travailleur·euse·s sont parti·e·s du secteur avant d’avoir bénéficié de l’augmentation de salaire à laquelle ils·elles auraient pu prétendre s’ils·elles étaient resté·e·s, ce qui conduit à une stagnation de la moyenne pour cette tranche d’âge. Notons toutefois que ce phénomène s’observe également dans le reste des secteurs APEF.
Estimation du salaire médian selon la tranche d’âge du·de la travailleur·euse (2019)
Il y a une surreprésentation des catégories d’âge intermédiaire, début-milieu de carrière. C’est surtout le cas chez les artistes, alors que chez les autres, ce sont les catégories les plus jeunes, mais aussi les plus âgées, qui sont surreprésentées.
Le difficile maintien à l’emploi (Lowies, 2015) explique la forte diminution qu’on constate à partir de 40 ans. Cela ne concerne pas uniquement les artistes, mais l’ensemble des catégories de travailleur·euse·s.
Si on analyse le volume d’emploi (ETP) selon l’âge, on constate les mêmes tendances qu’avec la statistique du nombre de travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre, à ceci près que la courbe des ETP non-artistes est beaucoup plus élevée que celle des artistes, ce qui explique que le volume ETP moyen par travailleur·euse soit plus élevé chez les non-artistes, comme on le verra dans le graphique suivant.
L’occupation moyenne par travailleur·euse est effectivement plus élevée chez les non-artistes que chez les artistes, et ceci persiste tout au long de la carrière.
Sous réserve que les calculs soient effectués de la même manière, il semble ici que les tendances constatées par Jean-Gilles Lowies en 2014 se confirment. Dans son rapport sur les besoins en formation continue dans le secteur des Arts de la scène, il comparait la situation en 2004, 2010 et 2014 et constatait que l’augmentation du volume de travail avec l’âge se vérifiait de moins en moins. Si en 2004 et en 2010, il y a encore une dynamique ascendante tout au long de la carrière (en 2004, on passe de 0,3 ETP à 20 ans à 0,7 ETP à 55 ans), cela est beaucoup moins le cas en 2014 (passage de 0,2 à 20 ans à 0,4 à 55 ans). Il concluait de la façon suivante: « les différentes classes d’âge tendent à converger, à la baisse, vers un même niveau d’emploi » (Lowies, 2015: 32). Nous pouvons ici confirmer cette tendance: quel que soit l’âge considéré, après une augmentation jusqu’à 0,3 ETP vers 25 ans, il n’y a plus de dynamique ascendante: le volume ETP moyen reste « coincé » autour de 0,3 ETP en ce qui concerne les prestations artistiques.
Notons que c’est surtout chez les gros employeurs que l’occupation moyenne par travailleur·euse non-artiste est faible (autour de 0,35 ETP) et tire donc vers le bas l’occupation moyenne des non-artistes dans l’ensemble du secteur, étant donné le contingent important occupé chez les gros employeurs. Sans les 2 gros employeurs de plus de 200 travailleur·euse·s, l’occupation moyenne des travailleur·euse·s non-artistes se situerait autour de 0,65 ETP environ, ce qui correspond davantage aux tendances constatées dans les autres secteurs de l’APEF.
Ce graphique montre bien l’influence des deux plus grandes structures du secteur sur les tendances globales en ce qui concerne l’occupation moyenne par travailleur·euse exprimée en volume ETP. En ce qui concerne les prestations artistiques, l’occupation moyenne est légèrement plus élevée dans les structures de moins de 200 travailleur·euse·s que dans les deux plus grosses structures. On voit aussi une légère augmentation de ce volume d’emploi avec l’âge dans les structures de moins de 200, ce qui est moins le cas pour les deux plus grosses. La différence se marque particulièrement quand on compare la situation pour les prestations non-artistiques. On voit bien que, dans les structures de moins de 200, on tourne autour de 0,7, voire 0,8 ETP, alors qu’au niveau des deux plus grosses structures, l’occupation moyenne par travailleur.euse stagne entre 0,3 et 0,4 ETP.
Comparaisons avec l’emploi salarié en Belgique
Le secteur 304 est un secteur dans lequel les travailleur·euse·s, et plus particulièrement les artistes (cf. tableau croisé âge et catégorie de travailleur·euse·s), ont une formation de haut niveau, ce qui explique qu’ils·elles rentrent plus tard sur le marché du travail. C’est ce qui explique la faible proportion de travailleur·euse·s de moins de 25 ans.
Il y a une surreprésentation des catégories d’âge intermédiaire, début-milieu de carrière.
Le difficile maintien à l’emploi (Lowies, 2015) explique la plus faible proportion de travailleur·euse·s de 45 ans et +.
Pour rappel, la pyramide des âges du secteur est fortement influencée par celle d'un très gros employeur qui occupe environ 68,3% des travailleur·euse·s. Ces deux structures présentent des pyramides plus « jeunes » que le reste du secteur.
*Comme précisé dans le point méthodologique de ce travail, la statistique pour le secteur 304 est calculée sur base du nombre de travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre. Pour l’APEF et la Belgique, le calcul est réalisé sur base du nombre de travailleur·e·se.s au 31/12. La comparaison peut toutefois se faire dans la mesure où, pour la plupart des secteurs, la différence entre le nombre de travailleur·euse·s durant le trimestre et le nombre de travailleur·euse·s au 31/12 est limitée.
Un peu plus d’hommes que de femmes
La proportion d’hommes est légèrement plus importante que celle des femmes. Il n’y a pas de grosses différences si on analyse le volume ETP. On verra plus loin que le volume ETP moyen par travailleur·euse est très proche chez les hommes et chez les femmes.
Les femmes sont sous-représentées parmi les artistes.
Répartition homme-femme des travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre
Répartition homme-femme du volume ETP
Le « M » n’est pas visible, même chez les femmes
Par courbe en forme de « M », on désigne un phénomène qui s’observe habituellement sur les pyramides des âges des travailleuses sur lesquelles on constate un creux chez les 35-44 ans, alors qu’il est absent chez les hommes. Ce creux est généralement interprété comme la résultante de la prise en charge plus fréquente des tâches domestiques et familiales par les femmes, à l’âge de l’arrivée des enfants. Dans le secteur qui nous occupe, on n’observe un « M » assez peu marqué, tant chez les hommes que chez les femmes.
La question du maintien dans la carrière ne semble pas se poser différemment chez les femmes et chez les hommes. Il faut regarder les %, sur le graphique ci-dessus. Les deux courbes se suivent fortement.
Les hommes et les femmes face au temps de travail
Temps plein = régime le plus courant dans ce secteur. Cette caractéristique doit toutefois être mise en balance avec l’intermittence de l’emploi dans ce secteur (cf. chapitre temps de travail).
On remarque une proportion plus importante de temps partiel parmi les femmes que parmi les hommes. Cela est à mettre en lien avec le type de fonction. On retrouve en effet environ 1/5ème de temps partiel dans les fonctions non-artistiques, dans lesquelles les femmes sont surreprésentées. Dans les fonctions artistiques, on est en dessous de 5% de temps partiel, avec une forte similarité entre les hommes (4,4%) et les femmes (4,7%). Chez les non-artistes, le temps partiel est plus fréquent chez les femmes (22,5%) que chez les hommes (12,3%).
Notons que le temps de travail n’est pas un indicateur des plus pertinents dans le secteur qui nous occupe. Il faut également étudier l’occupation moyenne par travailleur·euse, exprimée en volume ETP. L’occupation moyenne par travailleur·euse est la même chez les hommes et chez les femmes (0,35 ETP).
Le « M » pas non plus visible chez les femmes en ce qui concerne la proportion de temps plein
La courbe en forme de « M » dont nous parlions plus haut ne s’observe pas non plus dans la répartition du temps plein selon l’âge chez les femmes.
La plus forte proportion du temps partiel parmi les moins de 25 ans s’explique par le fait qu’il s’agit en partie de jeunes qui travaillent en parallèle à leurs études et pour qui les enjeux liés au maintien de leur statut d’artiste ou de leur droit au chômage ne se posent pas.
Pour le reste, on observe globalement la même courbe chez les hommes et chez les femmes. Il y a une proportion plus importante de temps partiel chez les femmes, mais ceci s’observe uniquement chez les travailleur·euse·s non-artistes. Chez les artistes, le temps plein est majoritaire, et de façon très similaire tant chez les femmes que chez les hommes.
Les hommes et les femmes face au salaire
Le salaire journalier moyen est légèrement plus élevé chez les hommes. Est-ce dû à une surreprésentation des hommes dans des fonctions artistiques de direction? (Postes de créateur·rice·s, scénographes, créateur·rice·s lumières…). Rien ne nous permet de l’affirmer. Ce qui est certain, en revanche, c’est que les rémunérations sont plus élevées parmi les fonctions artistiques. Les hommes étant surreprésentés dans ces fonctions, leur salaire plus élevé s’explique peut-être par là.
Rémunération quotidienne: comparaison Artistes / Non-artistes (2021)
Salaires chez les hommes et les femmes (en €) – 2021
Estimation du salaire journalier médian selon le sexe: comparaison 304 / APEF
Comparaisons avec les autres secteurs de l’APEF
La comparaison avec la répartition hommes-femmes dans d’autres secteurs fait apparaître que le secteur 304 présente une répartition hommes-femmes plutôt équilibrée. Il n’est toutefois pas certain que cet équilibre se vérifie toujours dans les différentes catégories de fonctions du secteur. A titre d’hypothèse, on peut penser que certaines fonctions sont occupées par une majorité d’hommes, et que l’inverse se vérifie également.
Ouvrir le graphique 'Répartition hommes-femmes selon le secteur d'activités'
Les salaires des hommes et des femmes selon le secteur
L’écart entre les salaires des hommes et des femmes est plus marqué dans le secteur 304 que dans les autres secteurs.
Rappelons que les analyses des rémunérations journalières doivent tenir compte de l’occupation moyenne des travailleur·euse·s, le salaire journalier étant calculé sur base du nombre de journées prestées. En ce qui concerne la comparaison des hommes et des femmes, toutefois, cela ne modifie pas nos constats dans la mesure ou l’occupation moyenne est la même dans les deux catégories (0,35 ETP). Rappelons que les rémunérations sont plus élevées dans les fonctions artistiques. Les hommes étant surreprésentés dans ces fonctions, leur salaire plus élevé s’explique peut-être par là.
Estimation du salaire médian selon le genre et le secteur – 31/12/2021
Ouvrir le graphique 'Salaire selon le secteur d'activité et le genre'
La plus grande proportion de temps plein et peu de différence entre hommes et femmes
Au premier regard, le secteur 304 semble offrir des « meilleures » conditions de travail que les autres secteurs (temps plein majoritaire) et être plus « égalitaire » (proportion de temps plein très proche chez les femmes et chez les hommes). N’oublions toutefois pas la situation particulière de l’intermittence de l’emploi dans ce secteur. Pour rappel, si le temps plein est majoritaire, l’occupation moyenne par travailleur·euse est de 0,35 ETP seulement! Rappelons ici que cette occupation moyenne est fortement influencée par les deux plus grosses structures qui occupent plus de 70% des travailleur·euse·s du secteur et dans lesquelles on retrouve une occupation moyenne de 0,28 ETP. Si on retire cet employeur, on retrouve une occupation moyenne beaucoup plus élevée: 0,49 ETP, ce qui reste toutefois plus faible que dans tous les autres secteurs APEF.
Au vu de cette caractéristique de l’intermittence, c’est donc plutôt l’occupation moyenne par travailleur·euse exprimée en ETP qui donne un reflet fiable des conditions de travail dans le secteur. Et avec cette donnée, on constate de plus fortes variations selon d’autres paramètres. Par exemple, à partir de la catégorie de travailleur·euse, on constate que l’occupation moyenne est plus élevée dans les fonctions non-artistiques (0,43 ETP) que chez les artistes (0,26 ETP).
Entre hommes et femmes, c’est le même volume ETP moyen: 0,35 ETP. L’écart est un peu plus important parmi les artistes: 0,25 ETP pour les femmes et 0,26 ETP pour les hommes. Idem chez les non-artistes: 0,42 ETP pour les femmes et 0,44 ETP pour les hommes.
Ouvrir le graphique 'Répartition du temps de travail selon le genre et le secteur d'activité'
Comparaison avec l’emploi salarié en Belgique
Ce graphique nous montre que le secteur 304 se distingue par une proportion beaucoup plus élevée de travailleurs et de travailleuses à temps plein que dans les autres secteurs. Il y a lieu ici de nuancer cette conclusion en rappelant que l’emploi dans le secteur est caractérisé par l’intermittence et que l’occupation moyenne des travailleur·euse·s y est beaucoup plus faible qu’ailleurs. A titre de comparaison, au dernier trimestre 2021, elle est de 0,38 ETP contre 0,72 ETP pour les autres secteurs APEF.
Il s’agit donc d’un secteur caractérisé par de l’intermittence mais à temps plein. Cela traduit également une réalité du secteur: quand on y est engagé·e pour un projet, les journées de travail sont bien remplies.
Le temps plein majoritaire
Le secteur est caractérisé par un régime de temps de travail majoritairement à temps plein. Cette caractéristique doit être mise en balance avec l’intermittence de l’emploi dans ce secteur. Les travailleur·euse·s sont souvent occupé·e·s dans le cadre de petits contrats temporaires à temps plein, mais ne travaillent pas nécessairement toute l’année à temps plein. En témoigne l’occupation moyenne par travailleur·euse qui est, en 2021, de 0,35 ETP, donc un peu plus d’un tiers d’un temps plein sur un trimestre entier. Cela veut dire que les travailleur·euse·s, en moyenne, travaillent à temps plein pendant 1/3 du trimestre, donc environ un mois sur les 3 mois prévus.
Rappelons que le temps plein majoritaire concerne surtout les artistes (95,5% à temps plein). C’est moins le cas pour les non-artistes (82,6%).
Répartition des travailleur·euse·s selon leur régime de temps de travail (2021)
Le temps plein moins fréquent dans les petites structures
Si on retrouve un peu plus de temps partiel dans les petites structures (majoritaires dans le secteur), c’est parce qu’elles engagent souvent du personnel administratif à temps partiel, contrairement aux plus grosses structures qui pourront s’offrir un·e administratif·ve à temps plein. Cela se vérifie quand on ne s’intéresse qu’aux travailleur·euse·s « non-artistes ».
Toutefois, les grosses structures se caractérisent par une occupation moyenne par travailleur·euse significativement plus faible que les autres. Ce sont les travailleur·euse·s des catégories non-artistes qui voient leur occupation moyenne diminuer fortement dans les grosses structures. On tourne autour de 0,65 ETP dans les structures de moins de 200, pour tomber à 0,34 ETP dans les structures de 200 et plus. S’ils·elles ne sont pas à temps partiel, c’est qu’ils·elles sont tout autant concerné·e·s par l’intermittence de leur activité que les artistes, alors que c’est moins le cas dans les petites structures.
% de temps partiel pour les prestations non-artistiques selon la taille de l’employeur (2021)
Occupation moyenne par travailleur·euse non-artiste exprimée en volume ETP selon la taille de l’employeur
Le temps plein globalement très présent, quel que soit l’âge
La plus forte proportion du temps partiel parmi les moins de 26 ans s’explique par le fait qu’il s’agit en partie de jeunes qui travaillent en parallèle à leurs études et pour qui les enjeux liés au maintien du statut d’artiste ou du droit au chômage ne se posent pas.
On l’a déjà dit, le temps de travail n’est pas un indicateur des plus pertinents dans le secteur qui nous occupe. Il faut également étudier l’occupation moyenne par travailleur·euse, exprimée en volume ETP. Si on analyse la distribution du volume ETP selon les catégories d’âge, on constate une surreprésentation des plus âgé·e·s. A l’inverse, on retrouve une surreprésentation des moins de 26 ans dans les statistiques des travailleur·euse·s occupé·e·s durant le trimestre.
Les hommes et les femmes face au temps de travail
Temps plein = régime le plus courant dans ce secteur. Cette caractéristique doit toutefois être mise en balance avec l’intermittence de l’emploi dans ce secteur (cf. chapitre temps de travail).
On remarque une proportion plus importante de temps partiel parmi les femmes que parmi les hommes. Cela est à mettre en lien avec le type de fonction. On retrouve en effet environ 1/5ème de temps partiel dans les fonctions non-artistiques, dans lesquelles les femmes sont surreprésentées. Dans les fonctions artistiques, on est en dessous de 5% de temps partiel, avec une forte similarité entre les hommes (4,4%) et les femmes (4,7%). Chez les non-artistes, le temps partiel est plus fréquent chez les femmes (22,5%) que chez les hommes (12,3%).
Notons que le temps de travail n’est pas un indicateur des plus pertinents dans le secteur qui nous occupe. Il faut également étudier l’occupation moyenne par travailleur·euse, exprimée en volume ETP. L’occupation moyenne par travailleur·euse est la même chez les hommes et chez les femmes (0,35 ETP).
Le temps de travail selon la catégorie de travailleur·euse (Artiste / Non-artiste)
On constate que les non-artistes sont plus souvent à temps partiel que les artistes. La faible occupation moyenne (exprimée en volume ETP), dans les deux catégories, s’explique de manière différente. Pour rappel, l’ONSS nous précise que « des prestations réduites (inférieures à 1 “équivalent-temps plein”) peuvent trouver leur origine dans:
― une période d’occupation plus courte (inférieure au trimestre);
― des prestations à temps partiel (temps de travail hebdomadaire inférieur à celui du·de la travailleur·euse de référence);
― des périodes d’absence au travail non couvertes par une rémunération (par exemple journées assimilées). » (ONSS, 2017 : 11).
Dans notre analyse: chez les artistes, la faible occupation moyenne (0,3 ETP au dernier trimestre 2021) s’explique par le caractère intermittent de l’activité professionnelle: plusieurs petits contrats à temps plein mais dont les prestations en tant qu’artiste ne couvrent en moyenne qu’un tiers des journées qui seraient prestées dans le cadre d’un contrat classique qui couvre l’année complète (par exemple, au dernier trimestre 2021, les artistes ont presté 91.473 journées complètes. Il y a eu, ce même trimestre, 5.289 travailleur·euse·s artistes occupé·e·s. Si on divise le nombre de journées par le nombre de travailleur·euse·s à temps plein, 91.473 / 5.289 = 17,29. Cela veut dire qu’en moyenne un·e artiste a presté 17,29 journées sur un trimestre qui compte 64 jours ouvrés, cf. https://www.joursouvres.be/) Ce qui équivaut à 0,27 ETP, ce qui est très proche de l’occupation moyenne qu’on a trouvée. Le temps partiel étant marginal chez les artistes, on peut considérer le calcul fiable).
Chez les non-artistes, la faible occupation moyenne (0,46 ETP) s’explique partiellement par le temps partiel plus répandu, mais il semble également que l’emploi soit fragmenté (cf. la fluctuation, certes plus faible que chez les artistes, du nombre de travailleur·euse·s d’un trimestre à l’autre, mais aussi le nombre moyen de journées par travailleur·euse qui est de 23,92 sur un trimestre qui compte 64 jours ouvrés). Pour les non-artistes, l’emploi est fragmenté surtout dans les 2 grosses structures de plus de 200 travailleur·euse·s. Comme nous l’avons déjà mentionné, l’occupation moyenne par travailleur·euse non-artiste y est beaucoup plus faible que dans les plus petites structures.
Comparaisons avec les autres secteurs APEF
Le secteur 304 présente la proportion la plus élevée de prestations à temps plein, quand on compare avec les autres secteurs APEF. Il nous faut rappeler à nouveau la situation particulière de l’intermittence de l’emploi dans ce secteur. Pour rappel, si le temps plein est majoritaire, l’occupation moyenne par travailleur·euse est de 0,35 ETP seulement! Rappelons ici que cette occupation moyenne est fortement influencée par unes grosses structure qui occupe près de 70% des travailleur·euse·s du secteur et dans lesquelles on retrouve une occupation moyenne de 0,28 ETP. Si on retire cet employeur, on retrouve une occupation moyenne beaucoup plus élevée: 0,49 ETP. Cela reste néanmoins toujours l’occupation moyenne la plus faible en comparaison aux autres secteurs APEF.
Remarque importante concernant les rémunérations des "contrats à la tâche"
Une autre caractéristique importante du secteur 304, qui impacte fortement le calcul des rémunérations et les interprétations qu’on peut en tirer, ce sont les contrats à la tâche, rémunérés en une fois par le biais de ce qu’on appelle communément un « cachet ». Selon le site amplo.be, « la loi évoque un cachet lorsqu’il ‘’n’y a pas de lien direct entre le salaire et le nombre d’heures de travail’’. A cet égard, le cachet diffère du salaire journalier ou du salaire horaire. » (https://amplo.be/fr/blog/tout-ce-que-vous-devez-savoir-sur-le-cachet).
Si le contrat à la tâche est utilisé dans le secteur, c’est notamment parce qu’il est intéressant pour le·la travailleur·euse, entre autres pour bénéficier des allocations de chômage. En effet, pour un·e travailleur·euse du secteur ayant le statut d’artiste, l’accès aux allocations de chômage dépend du nombre de journées prestées dans le courant d’une période de référence déterminée. Comme le précise amplo.be, « la règle du cachet offre aux artistes l’avantage de pouvoir répartir leur salaire total brut gagné sur la période en un salaire journalier de référence de 65,05 euros. Ils·elles arriveront ainsi probablement aux nombres de ‘’jours assimilés’’ nécessaires » (https://amplo.be/fr/blog/tout-savoir-sur-le-statut-dartiste). Selon leur situation (artiste ou non, nombre de « jours assimilés » nécessaires pour leurs allocations…), les travailleur·euse·s seront toujours dans une sorte de négociation dans l’articulation entre les jours de travail déclarés et les jours chômés, afin d’assurer le maintien d’allocations de chômage suffisantes en compensation d’une rémunération trop faible pour boucler les fins de mois. En gros, il faut que le nombre de journées de travail déclarées reste « rentable » en regard de la perte d’allocations de chômage qu’il engendre, tout en étant suffisamment élevé pour continuer à prétendre à ces mêmes allocations. Cela rejoint des réflexions plus générales qui mettent en avant le fait que le secteur des arts de la scène est un secteur qui dépend fortement du chômage, voire que « le statut des artistes, c’est le chômage » (Young, 2017).
Cela a des implications méthodologiques importantes dans l’analyse de la rémunération dans le secteur 304. En effet, l’ONSS exige d’encoder un nombre d’heures ou de journées de travail prestées, ainsi qu’une rémunération. Dans le cas des contrats à la tâche, on peut faire l’hypothèse que, en raison des pratiques variables des employeurs, et des enjeux du·de la travailleur·euse concernant le nombre de journées de travail à déclarer, mais aussi selon les pratiques des secrétariats sociaux et des règles d’encodage, on peut se retrouver avec des rémunérations journalières qui ne reflètent pas fidèlement la réalité, notamment des rémunérations inférieures aux barèmes du secteur.
Exemple: pour un même cachet de 500 euros, le secrétariat social, à partir des informations transmises par l’employeur, pourrait déclarer une journée de travail à l’ONSS, auquel cas cette rémunération se situera dans la tranche « 250 et + ». Il pourrait tout aussi bien déclarer un nombre plus élevé de journées de travail, ce qui impactera le calcul de la rémunération journalière par l’ONSS. Par exemple, s’il déclare 8 journées de travail, la prestation se situera dans la tranche 60-69 euros, ce qui est en dessous des barèmes du secteur. Il y a donc un certain flou entre la réalité du contrat à la tâche et la manière dont il est déclaré et encodé dans la BDD de l’ONSS utilisée ici.
Grande « volatilité » des salaires surtout chez les artistes
S’il existe un barème artistique, et des salaires journaliers de référence, il faut tenir compte du pouvoir de négociation de certain·e·s artistes pour comprendre la présence de salaires très élevés, et également les variations importantes dans ceux-ci (cf. salaire médian 2015 plus élevé que 2016 et 2017). Il s’agit là de stratégies permettant de compenser l’insécurité consécutive à l’intermittence de l’activité artistique. Le salaire peut donc fortement varier pour une même personne, ce qui n’est pas le cas dans les autres secteurs APEF, où la rémunération est en général fondue et stabilisée dans un contrat à moyen ou long terme.
La proportion importante de salaires de moins de 80 euros peut étonner étant donné les barèmes du secteur. Il existe différentes hypothèses pour expliquer cela, mais aucune ne semble assez convaincante pour figurer dans ce rapport.
La présence de salaires journaliers de moins de 50 euros s’explique plus difficilement. Il eut été tentant de l’expliquer par le travail étudiant, mais celui-ci n’est pas pris en compte dans les statistiques de l’ONSS. L’ONSS nous apporte toutefois des éléments d’explication. En effet, la base de données reprend également les travailleur·euse·s qui, durant le trimestre, étaient sous contrat mais n’ont pas eu de rémunération par exemple pour cause de maladie, de chômage temporaire… Ils·elles se retrouvent alors avec un salaire journalier de 0, et donc dans la tranche < 50. L’ONSS fait également l’hypothèse que certain·e·s travailleur·euse·s dont les salaires sont déclarés sur base forfaitaire (occasionnel·le·s) peuvent se retrouver dans cette tranche de salaire. Cela rejoint la remarque du slide précédent sur les contrats à la tâche.
Evolution du salaire médian (estimation)
Le salaire diminue avec la taille de l’employeur
La tendance globale qu’on peut observer est celle d’une diminution du salaire journalier avec l’augmentation de la taille de l’employeur. Il y a toutefois une rupture dans cette tendance, au niveau des structures situées entre 50 et 199 postes de travail, et pour lesquelles on constate des salaires beaucoup plus élevés. Dans cette tranche, on ne trouve que quelques employeurs. Il suffit donc qu’un employeur soit un peu « atypique » en regard du reste du secteur pour influencer largement les tendances statistiques.
Il est important ici de nuancer les tendances observées en rappelant l’intermittence de l’emploi et la faible occupation moyenne par travailleur·euse. La mesure du salaire s’effectue uniquement au niveau des journées prestées. Il faut pouvoir mettre en perspective le salaire gagné par un·e travailleur·euse et son occupation sur le trimestre.
Le salaire augmente avec l’âge
Que ce soit tant au niveau des tranches de rémunération que de l’estimation du salaire médian, on voit que le salaire augmente avec l’âge, à l’exception de la tranche 45-54 ans pour laquelle on observe une moindre progression. On peut faire l’hypothèse, en lien avec le constat d’un difficile maintien à l’emploi des travailleur·euse·s dans ce secteur (Lowies, 2015: 32), qu’un certain nombre de travailleur·euse·s sont parti·e·s du secteur avant d’avoir bénéficié de l’augmentation de salaire à laquelle ils·elles auraient pu prétendre s’ils·elles étaient resté·e·s, ce qui conduit à une stagnation de la moyenne pour cette tranche d’âge. Notons toutefois que ce phénomène s’observe également dans le reste des secteurs APEF.
Estimation du salaire médian selon la tranche d’âge du·de la travailleur·euse (2021)
Les hommes et les femmes face au salaire
Le salaire journalier moyen est légèrement plus élevé chez les hommes. Est-ce dû à une surreprésentation des hommes dans des fonctions artistiques de direction? (Postes de créateur·rice·s, scénographes, créateur·rice·s lumières…). Rien ne nous permet de l’affirmer. Ce qui est certain, en revanche, c’est que les rémunérations sont plus élevées parmi les fonctions artistiques. Les hommes étant surreprésentés dans ces fonctions, leur salaire légèrement plus élevé s’explique peut-être par là.
Rémunération quotidienne: comparaison Artistes / Non-artistes
Salaires chez les hommes et chez les femmes (en €) – 2021
Estimation du salaire journalier médian selon le sexe: comparaison 304 / APEF
Comparaison avec les autres secteurs APEF
Si on compare avec les autres secteurs de l’APEF, on constate que le secteur 304 se situe dans la moyenne haute concernant les rémunérations. Il faut toutefois relativiser et ne pas en conclure que les conditions salariales sont confortables dans le secteur. A nouveau, il faut rappeler l’intermittence de l’emploi et l’occupation moyenne des travailleur·euse·s qui est beaucoup plus faible dans ce secteur que dans les autres. Pour rappel, le calcul de la rémunération journalière par l’ONSS est le suivant: (Rémunération ordinaire ONSS + salaire forfaitaire ONSS) / Nombre de jours de travail à temps plein rémunérés. La distribution des salaires doit donc tenir compte de l’occupation moyenne par travailleur·euse qui est de 0,35 ETP dans le secteur.
Estimation du salaire médian selon le secteur – 2021
Comparaisons avec l’emploi salarié en Belgique
La présence plus importante des salaires très élevés ne doit pas faire penser que les rémunérations sont plus élevées dans ce secteur que dans d’autres. C’est le résultat de la volatilité des salaires, elle-même générée par la nécessité, pour les artistes, de compenser l’intermittence de l’emploi par des rémunérations importantes pour peu de temps de travail (notamment dans le cadre de contrats à la tâche). Il faut à nouveau mettre en balance l’occupation moyenne par travailleur·euse qui, dans le secteur, est de 0,35 ETP en 2021, et 0,26 ETP seulement pour les artistes.
Les artistes présentent une plus grande proportion de salaires élevés que les non-artistes. Cela est cohérent avec l’hypothèse de la négociation de rémunérations élevées pour compenser l’intermittence de l’emploi (0,26 ETP moyen par travailleur·euse chez les artistes). Cela ne veut donc pas nécessairement dire que les artistes sont mieux rémunéré·e·s que les non-artistes, car il faut mettre en balance l’occupation moyenne qui est plus élevée pour les prestations non-artistiques. Celles-ci sont moins bien rémunérées, mais sur une période plus longue.
La distribution des établissements selon leur lieu d’implantation (2021)
Les données sur la répartition géographique des établissements permettent d’étudier l’intensité de l’activité culturelle selon la région. Au-delà de la localisation de l’emploi, cela permet de questionner le déplacement des travailleur·euse·s, mais aussi l’accès à la culture. On ne peut toutefois pas distinguer s’il s’agit de lieux de diffusion ou des structures de création. Si on ne peut pas vraiment s’exprimer sur l’accès à la culture, on peut par contre mesurer l’intensité de l’activité culturelle.
On voit qu’elle est plus élevée à Bruxelles.
Le lecteur notera qu’il y a quelques employeurs implantés en Flandre. Il s’agit bien d’employeurs francophones relevant du Fonds 304.
Distribution des établissements selon leur lieu d’implantation (2021)
La distribution des travailleur·euse·s selon l’implantation géographique de leur employeur
La proportion très élevée de travailleur·euse·s à Bruxelles est sans doute tirée vers le haut par l’emploi Smart. Dans ce cas, le lieu de travail n’est pas le lieu de prestation réel, mais le siège social de Smart. On peut estimer que la répartition géographique des Unités d’établissement représente plus fidèlement la réalité.
- APEF/CERSO (2019). Le non-marchand en chiffres, Étude de données par l’APEF – Années 2008-2017. Analyse statistique actualisée par David Laloy (CERSO).
- Levaux, C. & Lowies, J.-G. (2014). Salariat et chômage des artistes en Belgique. Revue de la Société liégeoise de Musicologie, 31, 13-33.
- Lowies, J.-G. (2015). Les besoins en formation continue dans le secteur des Arts de la scène. Rapport final pour le Fonds de Sécurité d’Existence des Arts Scéniques (CP 304).
- ONSS (2017). Emploi salarié (ONSS) pour le quatrième trimestre 2017. Rapport statistique.
- Young, F. (2017). Arts de la scène: statut des travailleurs artistiques, enjeu majeur du renouvèlement des contrats programmes. La Revue Nouvelle, n°8. URL: https://www.revuenouvelle.be/Arts-de-la-scene-statut-des-travailleurs